Nous habitons au Québec et soyons clairs, les hivers peuvent être rudes. Les tempêtes de neige, le verglas, mais surtout la température qui descend très loin sous le point de congélation.
Projetez-vous un instant au milieu du mois de janvier :
C’est le matin, le thermomètre extérieur indique -25˚C. Vous êtes vêtu de votre veste la plus chaude et de vos pantoufles de mouton et malgré que le chauffage intérieur soit programmé à 23 ˚C, vous avez l’impression que l’air de la maison a de la difficulté à se chauffer. Vous passez devant une fenêtre. Vous êtes parcouru d’un grand frisson, comme si la fenêtre projetait le froid extérieur dans la maison et c’est sans parler des courants d’air. Décidément, votre maison semble avoir de la difficulté à conserver sa chaleur.
Vous n’êtes pas les seuls. Les maisons québécoises sont pour la plupart insuffisamment isolées et manquent d’étanchéité. C’est comme sortir dehors, par une journée froide, sans tuque, sans mitaine et le manteau détaché. La chaleur intérieure trouve donc souvent un chemin pour s’échapper nous obligeant à consommer plus d’énergie pour nous chauffer. Pourtant, nous habitons dans un climat qui justifie de palier à ces lacunes afin de créer des environnements intérieurs beaucoup plus confortables où les températures sont constantes, la radiation de froid et les courants d’air absents.
En tant qu’architecte certifiée Passivhaus, je vais vous expliquer en quoi consiste la norme bâtiment passif et, en quelques concepts simples, je vais vous détailler les grands principes de ce type de construction ainsi les avantages que vous pourriez en tirer.
On en revient donc à cette question : Une « Maison passive », qu’est-ce que c’est?
Une maison passive, également connue sous le nom de maison à haute performance énergétique, est un type de construction conçu pour minimiser la consommation d'énergie et réduire au maximum son impact sur l'environnement.
Ces maisons sont conçues pour être très efficaces du point de vue énergétique, offrant un excellent confort tout en nécessitant très peu d'énergie pour le chauffage, la climatisation et l'éclairage.
En d'autres mots, comme l'indique le terme, l'objectif ultime d'une maison passive est de fournir un confort intérieur optimal sans recourir à des systèmes actifs de chauffage ou de refroidissement.
Mais qu'entend-on par systèmes actifs ? Il s'agit de dispositifs qui nécessitent de l'énergie, principalement sous forme d'électricité, pour fonctionner. Parmi les exemples courants figurent les plinthes électriques, les convecteurs, les climatiseurs ou les systèmes de chauffage central.
En revanche, une maison passive exploite des sources telles que l'énergie solaire, l'énergie éolienne, voire l'énergie produite par les occupants eux-mêmes, pour atteindre le niveau de confort souhaité.
Le concept est intéressant, mais est-ce réalisable?
La faisabilité dépend en grande partie du climat. Dans certaines régions, les variations de température entre l'intérieur et l'extérieur sont moins prononcées, ce qui facilite l'atteinte de cet objectif. En revanche, les climats froids ou arctiques posent un défi plus important.
De nombreux projets récents ont toutefois prouvé que ces objectifs sont atteignables.
On recense plus de 5000 projets Passivhaus dans le monde, principalement en Europe. Le Canada, lui, recense plus de 150 projets certifiés dont une trentaine en climat froid. D’ailleurs, le tiers d’entre eux se situe au Québec.
Cliquez ici pour un aperçu des projets canadiens.
Plus précisément, quels sont les objectifs ou les critères de certification d’un bâtiment passif?
Pour rendre la norme bâtiment passif applicable internationalement, des seuils de performance ont été établis au milieu des années 90 par l'Institut Passivhaus (PHI) en Allemagne.
Selon ces critères, la demande en chauffage doit être inférieure à 15 kWh/m²/an, ou la charge de chauffage doit être inférieure à 10 W/m². Dans le cas de rénovations, la demande de chauffage ne doit pas dépasser 30 kWh/m²/an en climat froid. Les mêmes valeurs s'appliquent à la charge de climatisation. La norme comprend également des critères de perméabilité à l'air, de demande électrique et de récupération d'énergie.
Pour illustrer, une maison de 200 m² (2150 pi2) ne doit pas consommer plus de 3000 kWh par an, ce qui équivaut à environ 35 $ par mois en coûts de chauffage (calculé sur la base des tarifs d'Hydro Québec).
La norme laisse ainsi une marge de manœuvre. Une maison certifiée "Passivhaus" n'est pas tenue d'être entièrement passive. Il est possible d'installer des systèmes de chauffage ou de climatisation d'appoint, principalement pour garantir un climat confortable lorsque les températures extérieures sont extrêmes. Toutefois, l'objectif principal est de concevoir le bâtiment de manière à ce que, dans la plupart des situations, ces systèmes d'appoint ne soient pas nécessaires.
Comment concevoir une Maison passive?
Pour concevoir une maison passive, il est essentiel de suivre certains principes fondamentaux.
Tout d’abord, tous les bâtiments ne peuvent atteindre les standards de la norme «Passivhaus», ceci est particulièrement le cas dans des projets de rénovation. La norme prévoit toutefois un cadre spécifique pour ce dernier type de projet afin d’encourager la rénovation de construction existante pour atteindre de meilleure performance. Pour qu’une construction ait le potentiel d’être reconnu passive, il faut que la réflexion soit faite en amont, dès les balbutiements du projet.
Ceci est primordial, car la forme du bâtiment a un impact énorme sur le potentiel passif du projet.
En effet, plus un bâtiment est étendu ou possède une forme irrégulière, plus la superficie de son enveloppe extérieure est grande. Par conséquent, les pertes de chaleur potentielles sont également plus élevées.
En revanche, un bâtiment compact dans sa forme atteindra les critères d’une maison passive de manière beaucoup plus efficace. La raison pour cela est que plus la surface de murs/toits/planchers en contact avec l’extérieur est grande, plus les chances qu’il y ait des transferts de chaleur sont grandes et ce peu importe le niveau de performance de l’enveloppe.
Voici un exemple concret avec différente variation d’une maison de 200m2 (2150 pi2).
Le premier volume, très compact, est un carré de 10mx10m (33 pi x 33 pi) sur 2 étages. Dans cet exemple, la surface de l’enveloppe en contact avec l’extérieur est d’environ 440m2 (4735 pi2). Le 3e volume, plutôt étendu, présente un bâtiment d’un seul étage de 200m2 (2150 pi2) de forme irrégulière. Dans ce cas, la superficie de l’enveloppe est d’environ 650m2 (7000 pi2). Pour une construction de mur similaire, le transfert de chaleur dans le second cas est donc presque 1.5 fois plus grand! Il est donc primordial de conserver un ratio superficie des murs extérieurs vs superficie de plancher très bas.
Voici une autre façon d'illustrer le même concept:
Afin de conserver la même performance énergétique, l'isolation des murs extérieures doit être bonifiée selon le pourcentage d'augmentation de la superficie de ces murs.
Deuxièmement, l'orientation du bâtiment revêt une grande importance. Une analyse du site sur lequel le projet sera implanté est donc primordiale. La trajectoire du soleil, le sens des vents dominants, le relief ainsi que la présence de végétation ou de constructions voisines voudront être pris en compte afin de maximiser leur impact positif dans le projet.
La raison est simple, une maison passive souhaite maximiser ses gains solaires en hiver et minimiser ses pertes de chaleur à travers l’enveloppe. À l’inverse, en été, les gains solaires doivent être minimisés pour éviter la surchauffe. Des dispositifs d’ombrage doivent être mis en place et on compte sur la ventilation naturelle comme stratégie de refroidissement.
Concrètement, cela signifie qu’une grande partie de la fenestration se retrouve en façade sud afin de laisser pénétrer un maximum de rayons en saison froide. La façade nord, façade ne recevant aucun rayonnement solaire, est quant à elle plutôt opaque afin de limiter les pertes de chaleur; dans le contexte de l'hémisphère nord.
Le cœur du projet se situe toutefois dans la conception d’une enveloppe ultra performante. Celle-ci permet au bâtiment de mieux réguler son climat interne en limitant au maximum les transferts de chaleur entre l’intérieur et l’extérieur.
Voici les principaux points à considérer pour cette enveloppe de haute performance :
Une super isolation
Des matériaux isolants de haute qualité sont essentiels pour maintenir une température intérieure confortable en minimisant les besoins en chauffage et en climatisation. Les maisons passives utilisent souvent des isolants épais pour atteindre des niveaux élevés d'isolation.
Une conception sans ponts thermiques
Les ponts thermiques sont des zones où la chaleur peut s'échapper ou pénétrer plus facilement, compromettant l'efficacité énergétique de la maison. Les ponts thermiques se produisent, par exemple, lorsque deux matériaux ayant des propriétés conductrices de chaleur différentes sont en contact. La jonction entre un mur de béton et une fenêtre en métal en est un bon exemple. Les coins de bâtiments, les liaisons structurelles et les ouvertures dans l’enveloppe, comme les portes et fenêtres, sont souvent des endroits où les ponts thermiques peuvent se produire. Les maisons passives sont conçues pour minimiser ces ponts thermiques par la conception de détails réfléchis permettant un lien isolant continu entre les éléments.
Nous avons, ci-dessus, une image infrarouge d’une construction conventionnelle en bois. On voit ici clairement qu’il y a perte de chaleur par l’enveloppe au niveau des montants muraux; la valeur isolante du bois étant moindre que la valeur isolante de la laine minérale.
On peut perdre jusqu’à 25% d’efficacité énergétique seulement pour une mauvaise conception comme celle-ci.
Pour remédier à ce problème un isolant extérieur continu peut être appliquer sur l’ensemble du bâtiment, créant ainsi une coupure thermique au niveau des éléments structuraux.
L’étanchéité à l'air
Une étanchéité à l'air efficace est primordiale pour empêcher les fuites d'air non contrôlées qui peuvent entraîner des pertes de chaleur. La norme Passivhaus exige une étanchéité à l'air très stricte de 0,6 changement d'air par heure (CAH), ce qui est bien en deçà des normes de construction conventionnelles. Les barrières à l'air performante, comme les membranes d'étanchéité et les scellants, sont utilisées pour atteindre ces niveaux d'étanchéité. Pour un projet de rénovation, l’exigence est de 1 CAH, ce qui est encore très bas et qui ne peut être atteint qu’en retirant le parement extérieur existant et en remplaçant ou en améliorant l’installation du pare-air.
À titre de comparaison, une construction typique des années 50 présente une étanchéité à l’air d’environ 8 à 10 CAH. Une fois rénovée, isolée par l’intérieur avec l’installation de nouveau pare-vapeur et de nouvelles fenêtres, sans changement à la façade extérieure, cette même construction peut atteindre une étanchéité à l’air d'environ 5 CAH. Une construction neuve standard, vise quant à elle une étanchéité à l’air entre 2 et 3 CAH.
Des portes et fenêtres haute performance
Les portes et les fenêtres sont des points critiques en termes de performance énergétique. Les maisons passives utilisent des fenêtres à double, triple ou même quadruple vitrages selon les climats avec des cadres isolés pour réduire les pertes de chaleur.
Toutefois, malgré leur haute performance, les fenêtres demeurent toujours un point faible dans l’enveloppe. Elles n’atteindront jamais les performances isolantes des murs adjacents. Pour cette raison, elles doivent être positionnées et dimensionnées de manière réfléchie afin que les gains solaires qu’elles procurent permettent d’annuler au maximum les pertes de chaleur.
Ensemble, ces éléments créent une enveloppe de bâtiment hautement performante qui limite les besoins en chauffage et en climatisation, ce qui se traduit par une consommation d'énergie réduite.
Finalement, les maisons passives sont également équipées de systèmes de ventilation mécanique contrôlée avec récupération d’énergie (chaleur et humidité) pour garantir un air intérieur de qualité. Ces systèmes sont conçus pour récupérer la chaleur sortant de la maison afin de préchauffer l’air entrant. Ce processus contribue à minimiser la perte d'énergie et à améliorer l'efficacité globale du système de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC). Des concepts similaires peuvent également être mis en place pour le système de distribution d'eau.
C'est en appliquant l'ensemble de ces principes lors de la conception de bâtiments que des constructions mieux adaptées, plus efficaces et en symbiose avec leur environnement peuvent voir le jour. En multipliant ce genre de réalisations, nous contribuons à édifier un environnement plus sain, pérenne et moins tributaire des énergies extérieures.
Plutôt que de se tourner de plus en plus vers des systèmes mécaniques complexes pour réguler nos climats intérieurs, il est temps de revenir aux bases et d’optimiser ce que la nature nous offre gratuitement!
Nous en serons gagnants à tous les points de vue en construisant des bâtiments durables, confortables, nécessitant peu d’énergie et ainsi plus respectueux de notre environnement. Fini le sentiment de fraicheur à proximité des fenêtres l’hiver. Fini les pertes de chaleur par les fuites et fini les factures d’électricité monstrueuses.
Il est donc temps de remonter la fermeture éclair de votre manteau, de mettre votre tuque et vos mitaines et de vous préparer à affronter le prochain hiver québécois bien enveloppé. Exigez-en autant de votre maison!
Vous avez des questions sur les concepts de bâtiment passif? Écrivez-moi!
À propos de l'auteure:
Kim Cloutier est une architecte expérimentée avec une carrière marquée par des projets axés sur la simplicité et la durabilité. Elle est certifiée conceptrice de maisons passives et associée écologique LEED, ce qui témoigne de son engagement pour les normes élevées en matière de performance énergétique et de durabilité environnementale. Kim aspire à promouvoir un cadre de vie plus sain à travers ses projets, en mettant l'accent sur la création d'environnements sains et durables.