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  • Photo du rédacteurKim Cloutier

La réglementation municipale: Catalyseur ou obstacle aux constructions écoénergétiques - Partie 3: Montréal

Après avoir examiné comment des incitatifs ciblés peuvent encourager les constructeurs à adopter la norme Passivhaus et d'autres pratiques de construction durable, nous tournons maintenant notre attention vers Montréal. Dans cette troisième et dernière partie de la série, j'analyserai la situation actuelle du Québec et de Montréal en particulier, en explorant les initiatives passées et présentes qui visent à rendre les bâtiments plus écoénergétiques. Vous verrez comment les politiques, telles que la norme NovoClimat et les récentes réglementations sur les émissions de GES, ont façonné l'environnement de la construction dans la région. Ce regard approfondi nous permettra de comprendre les défis et les opportunités uniques auxquels Montréal est confrontée dans sa quête pour des bâtiments zéro émission.


Hotel de ville de La Pêche - Projet passif de BGLA architecture
Hotel de ville de La Pêche - Projet passif de BGLA architecture

La situation de Montréal et le contexte québécois

Où en est la situation au Québec?

Voici un petit historique:

  • 1999 - Introduction de la norme NovoClimat pour construire des bâtiments plus écoénergétiques;

  • 2003 - Création du Conseil du bâtiment durable afin de tracer la voie vers une transition énergétique au Canada;

  • 2006 - Nouvelle loi sur le développement durable intégrant 16 principes clés guidant le gouvernement québécois dans ses décisions;

  • 2012 - Révision du code de construction avec de nouveaux standards de performance énergétique puis publication d’une nouvelle version de la norme NovoClimat (NovoClimat 2.0);

  • 2016 - Création de la certification Carbone zéro par le Conseil du bâtiment durable du Canada;

  • 2020 - Introduction du code sur l’efficacité énergétique visant ainsi 28% d’amélioration de la performance énergétique des nouvelles constructions.

Ligne du temps présentant avancées durables en architecture au Québec

Le grand objectif de Montréal: bâtiments zéro émission d'ici 2040

En 2023, la ville de Montréal a décidé de mettre le pied sur l'accélérateur en se dotant de mesures pour atteindre sa cible de décarbonation des bâtiments 10 ans plus tôt que prévu, soit en 2040 plutôt qu'en 2050. La ville souhaite ainsi s'attaquer au gaz à effet de serre émis par les bâtiments commerciaux, résidentiels et institutionnels qui représentent environ 26% des émissions de GES de l’agglomération.

graphique présentant Distribution des émissions par secteur d’activité selon l'inventaire de 2018 des émission de GES montréal
Distribution des émissions par secteur d'activité selon l'inventaire 2018 des émissions de GES de la collectivité montréalais - image tirée de la feuille de route Vers des bâtiments montréalais zéro émission

Les modifications réglementaires

La transition a débuté en 2021 avec l'instauration du Règlement sur la divulgation et la cotation des émissions de gaz à effet de serre des grands bâtiments, incitant ainsi les propriétaires à prendre conscience de leur consommation énergétique.

Un pas de plus vers cet objectif est réalisé avec le nouveau Règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des nouveaux bâtiments qui limitera l'utilisation de systèmes de chauffage générant des émissions de GES dans les nouvelles constructions. Cette mesure sera mise en application progressivement entre 2024 et 2025.

Ligne du temps montrant les étapes vers un objectif de bâtiments montréalais zéro émission en 2040
Étapes réglementaires vers l'objectif zéro émission en 2040 - Image provenant de la feuille de route Vers des bâtiments montréalais zéro émission dès 2040

Dans les prochaines années, les grands bâtiments (de plus de 2 000 m2) se verront aussi dans l'obligation d'afficher leur performance en termes d'émission de GES grâce à un système de cotation. Cette mesure vise à informer le public, mais également à encourager les propriétaires à viser les meilleures cotes dans le but d'atteindre le niveau carbone zéro en 2040.


Mais qu'en est-il des petits bâtiments et des bâtiments existants?


Agir sur le parc immobilier existant

Une grande partie des bâtiments qui constitueront notre environnement en 2040 sont déjà bâtis. Comment avoir un impact sur les bâtiments existants?

  1. La première étape consiste à se débarrasser des combustibles fossiles, tels que le mazout et le gaz, encore présents dans plusieurs bâtiments. La ville exige donc, depuis 2023, la déclaration obligatoire des appareils de chauffage utilisant un combustible avec comme objectif d'établir un plan de remplacement à court ou moyen terme avec les propriétaires. L'élimination de ce type de chauffage a déjà permis de réduire de près de 50% les émissions de GES dans les bâtiments résidentiels et de plus de 25% dans les bâtiments commerciaux et institutionnels au cours des 30 dernières années, cependant ces réductions sont insuffisantes pour atteindre les cibles de la ville.

  2. La seconde étape, comme le présente bien le cas de Vancouver, est de travailler sur l'amélioration de l'enveloppe du bâtiment afin de diminuer au maximum les besoins en énergie. Il faut tout de fois aussi s'attaquer au gaspillage et à la surconsommation, en partie par une meilleure conception et une optimisation des espaces.

  3. Finalement, installer des systèmes mécaniques ultra-performants, tels des thermopompes, pour combler les besoins restants en énergie.

Malheureusement, plusieurs facteurs font que le rythme de diminution des émissions est ralenti. Pour atteindre les objectifs de carboneutralité pour le Québec en 2050, il faudrait un rythme de rénovation du parc immobilier de 5% par année, alors que la moyenne actuelle tourne plutôt autour de 0,5%.

graphique présentant le rythme des rénovations écoénergétiques
Graphique présentant le rythme des rénovations écoénergétiques -

Quels sont les freins?

  • les faibles taux de rénovations écoénergétiques;

  • le manque d'ambition en matière de performance environnementale lors des rénovations;

  • l'inefficacité énergétique des nouvelles constructions;

  • l'augmentation du nombre et de la taille des équipements mécaniques.


Incitatifs locaux

Pour le moment, les constructeurs québécois peuvent suivre les lignes directrices de plusieurs certifications durables, dont LEED, Passivhaus, Zéro Carbone, NovoClimat, etc... L'introduction de la cotation énergétique pour tous les bâtiments, de petit à grand, comme c'est le cas en France, pourrait être une première étape pour inciter à la rénovation écoénergétique.


 

Le système de cotation énergétique français

niveau de cote énergétique en france
La performance des logements français classée de A à G

Au niveau de l'habitation, la France attribue à chaque logement une cote énergétique officielle allant de A pour les plus performants à G pour les moins efficaces, sur une échelle de sept niveaux. Cette notation vise non seulement à renforcer l'efficacité énergétique des habitations, mais aussi à informer acheteurs ou locataires sur la performance énergétique de leur potentiel domicile. En outre, la récente réforme de la loi Climat et Résilience interdit la location des logements classés F et G à partir de 2025 et 2028, respectivement, et bloque l'augmentation des loyers pour ces catégories dès août prochain, incitant les propriétaires à les rénover pour les rendre plus performants.

 

Il existe aussi quelques incitatifs financiers à entreprendre des projets à meilleure performance énergétique avec les programmes gouvernementaux NovoClimat, RénoClimat et Logis Vert d’Hydro-Québec. Toutefois, ces programmes visent des éléments spécifiques et n'évaluent que très rarement la performance globale d'un bâtiment. Ces incitatifs financiers, visant surtout la rénovation résidentielle, sont souvent aussi insuffisants pour vraiment faire une différence au niveau décisionnel puisqu'ils visent des performances améliorées d'environ 15-20% avec NovoClimat, plutôt que 80% comme avec Passivhaus. Il manque donc souvent l'incitatif pour faire la passerelle vers une construction réellement écoénergétique.

photo d'une rénovation de maison passive house à Bruxelles
Rénovation résidentielle Passivhaus - Ulrich Ruefli

La ville de Bruxelles, quant à elle, a, depuis bientôt 10 ans, des exigences strictes à la rénovation. Si les travaux de rénovation sont importants, que ces derniers impliquent plus de 50% des murs extérieurs et des remplacements des systèmes techniques (chauffage, ventilation, etc.), les propriétaires doivent inclure des améliorations à leur bâtiment afin d’atteindre de nouveaux standards de performances énergétiques. Pour encourager les propriétaires, de nombreuses opportunités de subventions sont mises de l’avant. Cela demeure le moyen le plus efficace afin d’accélérer la transformation de l’environnement bâti.




Sachant qu’une grande partie du parc immobilier existant sera à rénover dans le monde à court ou moyen terme, il est impératif d’encadrer aussi cet aspect de l’industrie!


Barrières, défis, et opportunités

Au niveau réglementaire local, la ville de Montréal a intégré, il y a quelques années, à son règlement de construction, des points concernant les toits verts, les fenêtres et l'isolation, mais sans plus. Parallèlement, certains règlements viennent encore mettre des barrières aux projets novateurs. Les porteurs de projets se retrouvent encore trop souvent devant des équipes peu formées et en manque de ressources lors des demandes d'autorisation de travaux de construction.

Il faut donc s'interroger sur la raison derrière la réglementation et voir comment on peut atteindre l’objectif sans nuire aux projets souhaitant améliorer notre environnement bâti. Comme ce fut le cas dans la ville de Vancouver, l’éducation du personnel des départements d’urbanisme de la ville serait un premier pas dans la bonne direction afin de créer des alliances avec les professionnels souhaitant porter leurs projets à un niveau supérieur pour ensuite aider à faire tomber les barrières réglementaires.


Vers une action immédiate : Accélérer le passage à la durabilité

En conclusion, les leçons tirées des initiatives ambitieuses de Vancouver et de nombreuses villes européennes en matière de constructions écoénergétiques offrent à Montréal un modèle précieux. Pour accélérer sa propre transition vers la carboneutralité, Montréal doit non seulement établir des objectifs ambitieux et adapter les stratégies à son contexte unique, mais aussi renforcer les incitatifs financiers, la sensibilisation et l’éducation pour surmonter les obstacles réglementaires et culturels. Seul un engagement communautaire fort et un cadre réglementaire innovant permettront de réaliser la vision d'un avenir durable pour tous.

Pour transformer rapidement l'industrie du bâtiment et les normes de construction, il faut trouver les gens qui construisent de la manière dont nous souhaitons construire, il faut les encourager, faire tomber les barrières réglementaires, pour finalement les suivre dans cette nouvelle voie en mettant en oeuvre des réglementations qui suivent leurs initiatives.

Sean Pander, directeur du comité des bâtiments verts de Vancouver

avec sa stratégie Find, Feed and Follow


La réduction des émissions de GES par les bâtiments, responsables de 30% des émissions mondiales, est une urgence climatique. D’ici 2030, on estime que l’équivalent de 60% de la superficie bâtie existante est à construire ou reconstruire, c’est une opportunité d’agir sur le cadre bâti pour réduire les gaz à effet de serre et pour réduire nos vulnérabilités climatiques futures. Il est impératif que les décideurs, les professionnels du bâtiment, et le public s'engagent dès maintenant pour un avenir durable, sans attendre la mise à niveau de la réglementation. Il faut des leaders pour montrer la voie!


Vous êtes un agent du cadre bâti, un conseiller en aménagement, un urbaniste? 

Informez-vous sur les différentes normes et réglementations de constructions écoénergétiques. Étudiez ce qui a été fait dans ces villes pionnières et voyez ce qui peut être fait chez nous. Vous avez le pouvoir de faire avancer les choses par la modification des règlements, mais également par un meilleur accompagnement des professionnels. C’est en travaillant ensemble que nous atteindrons ces objectifs ambitieux.


Vous êtes architecte? 

Informez-vous sur les standards LEED et Passivhaus afin de pouvoir porter vos projets à un autre niveau. Pour convaincre vos clients que c’est la voie à suivre, il faut que vous soyez vous-même convaincu que c’est l’avenue à un avenir plus durable.


Vous êtes un citoyen? 

Nous pouvons tous avoir un impact sur notre environnement, par chaque décision que nous prenons. Sensibilisez votre entourage aux notions de construction écoénergétiques: partagez cet article afin de montrer à tous ce que d'autres villes et pays mettent en place pour effectuer un vrai virage vers la construction écoénergétique et surtout tentons ensemble d'influencer les dirigeants d'aujourd'hui et de demain.


Sources:

Bureau de la transition écologique et de la résilience (2022). Feuille de route Vers des bâtiments montréalais zéro émission dès 2040, Document de consultation pour la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs.

Ordre des architectes du Québec (2023). Milieux de vie durables et résilients, vidéo de formation aux membres.

Hélène Mercier (Journaliste). (11 fév. 2022). Évaluer le rendement énergétique de son logement, segment du 15-18. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/le-15-18/segments/chronique/390447/rendement-energetique-chauffage-electricite-france-loi-cote


 

À propos de l'auteure:

Kim Cloutier architecte

Kim Cloutier est une architecte expérimentée avec une carrière marquée par des projets axés sur la simplicité et la durabilité. Elle est certifiée conceptrice de maisons passives et associée écologique LEED, ce qui témoigne de son engagement pour les normes élevées en matière de performance énergétique et de durabilité environnementale. Kim aspire à promouvoir un cadre de vie plus sain à travers ses projets, en mettant l'accent sur la création d'environnements sains et durables.


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